Notre histoire

La naissance d’une Communauté… peu ordinaire

A la veille de fêter les 40 ans d’existence de notre Communauté Pacem in Terris, il nous a paru souhaitable de retracer les grandes étapes de cette naissance et une partie de son cheminement car beaucoup de ceux qui en font partie aujourd’hui n’en connaissent pas réellement l’historique et ceux qui nous ont rejoints en Unité Pastorale depuis quelques années non plus.

Nous avons donc « fusionné » différents textes préexistants et avons rédigé les quelques pages que voici. Pour dissiper toute confusion et par souci d’honnêteté intellectuelle nous reprenons ici nos sources et vous livrons in extenso l’avant-propos — qui reste tellement d’actualité — d’une brochure rédigée voici 20 ans par les plumes de Jean Dewandre et de Claude Eugène ainsi que d’un autre document de la main d’Ignace Plissart.

Voici donc cet avant-propos :

Ce modeste « travail » sur l’histoire de la paroisse francophone de « Beauval » ne prétend pas représenter tout ce qui fut fait, dit et écrit à ce sujet.

Il n’est ni une thèse ni un réquisitoire mais une simple histoire écrite sans passion ni rancunes.

C’est le rassemblement de « souvenirs » épars de différentes personnes qui ont vécu l’histoire de « Beauval ».

Cette histoire contient vraisemblablement des erreurs et très certainement des omissions et les auteurs seront reconnaissants à ceux qui voudront bien rectifier les unes et compléter les autres.

A. Un peu d’histoires avant les évènements

Avant 1940.

Le quartier, situé aux confins de Bruxelles (Heysel), Strombeek, Grimbergen et Vilvoorde mais à quelque 6 km de Vilvoorde-centre, ne comporte guère qu’une demi-douzaine de rues ou plutôt de mauvais chemins empierrés.

On pourrait se demander d’où vient le nom de « Beauval », ce nom existait déjà avant la guerre de 1940 et les « anciens » se souviennent d’une ferme qui portait en grandes lettres blanches sur le toit de la grange, l’inscription « BEAUVAL ».

Cette grange est alors devenue l’Eglise paroissiale Saint-Jean Berchmans en 1953.

L’inscription « BEAUVAL » sur le toit disparaîtra lorsque la grange sera aménagée en chapelle.

Dès 1950.

Les premiers habitants, non autochtones, apparaissent dans le quartier. Ce sont des employés, des ouvriers, des fonctionnaires ou de petits cadres qui cherchent un quartier tranquille, pas trop cher et pas trop loin de la ville.

Dès le début du quartier apparaît donc déjà une certaine homogénéité des habitants et de l’habitat et, en tout cas, une grande solidarité entre tous ces nouveaux venus qui se sont lancés dans l’aventure d’une construction en zone urbaine avec tous les inconvénients que cela entraînait. Les habitants, tous chaussés de bottes, quittaient leurs maisons par les jardins et les prairies et gagnaient à pied « MUTSAERT » ou « STROMBEEK » pour y prendre le transport en commun. D’ailleurs d’autres habitants complaisants gardaient leurs bottes jusqu’à leurs retours à la soirée !

En 1951.

Ouverture de l’école communale à la Streekbaan avec des classes flamandes et francophones. Mais il n’y a pas d’enseignement catholique à Beauval. Aussi beaucoup de parents envoient-ils déjà leurs enfants au « CHRIST-ROI » pour les garçons et à « MARIA ASSUMPTA » pour les filles.

En 1953.

La population « paroissiale » à cette époque étant déjà en majorité composée de « Francophones », il fut décidé de commun accord entre les deux communautés de célébrer un nombre identique de messes avec sermon en français et en néerlandais. Cette solution donna pleine satisfaction à tout le monde et jamais il n’y eut le moindre heurt entre paroissiens.

En 1953 encore, la chorale grégorienne fut fondée et ultérieurement en 1965, en se mettant au diapason du renouveau liturgique, elle devient la chorale néerlandophone de la paroisse.


En 1960.

C’est l’apogée de la construction dans le quartier de Beauval et la physionomie de celui-ci change d’année en année. Il faut dire que l’accueil des Francophones par les autorités locales est effectif : langue française tout à fait admise !

En 1963.

Vote par le Parlement des lois « Gilson » qui consacrent l’homogénéité linguistique des Régions. La conséquence de ceci pour Beauval fut la suppression des classes françaises à l’école communale de Beauval.

En 1966.

Avec l’abbé L. Demayer, le curé de la paroisse St-Jean Berchmans, les choses vont bon train… et en septembre de cette année on inaugure la nouvelle salle paroissiale construite à droite de la grange. Cette nouvelle salle servira provisoirement d’église jusqu’au moment où une église définitive remplacera la vieille grange.

Cette nouvelle salle est bénie par Mgr Schoenmaekers en présence de tous les paroissiens et des Mouvements de Jeunesse réunis, Flamands et Francophones faisant la haie à l’entrée de la chapelle.

B. Le début des évènements

Le mois d’octobre 1967 fut le début d’une période agitée.

Ces évènements valent la peine d’être cités ici mais tout aussi importante fut l’attitude des chrétiens de Beauval face à une meute d’excités peu recommandables mais aussi face à une autorité ecclésiastique aussi peu conciliante qu’obstinée.

Voici l’historique de cette naissance perturbée :

1er octobre 1967.

Les messes dominicales sont brutalement perturbées par le VMO
(Vlaamse Militanten Orde).

Janvier 1968.

Après quelques week-ends de perturbations, les autorités tant politiques que religieuses nous font parvenir la notification suivante : « Il y a obligation d’utiliser la langue de la région dans l’exercice du culte dominical ».

On ne peut être plus clair ! Désormais toute messe en français est interdite le dimanche à la Paroisse
St-Jean Berchmans à Beauval.

Quelques faits qui valent la peine d’être cités :

-          Après ces attaques dominicales, un comité de Sages s’est formé, comprenant aussi bien des chrétiens flamands que francophones.

-          Pendant la dernière messe dans l’église St-Jean Berchmans, on constate que dans le panier de la collecte, en lieu et place de pièces de monnaie, les fidèles avaient remis des billets comportant la mention suivante : 
« Nous y mettrons à nouveau nos sous au retour de nos messes en français »

-          Cette dernière messe a dû être célébrée en latin afin de ne plus perturber certaines susceptibilités : au Dominus Vobiscum on répondait en chœur « Et avec votre Esprit ».

Je voudrais aussi citer ici quelques extraits de l’homélie de l’abbé Ignace Plissart lors de cette dernière messe dans l’église. L’abbé Plissart, jeune prêtre au collège St-Pierre à Jette, a été demandé en 1961 par Malines pour célébrer les messes en français dans l’église St-Jean Berchmans. L’abbé Plissart fut un acteur de première ligne mais aussi un défenseur assidu de la cause de Beauval ne montrant aucune retenue pour faire comprendre à l’Evêché son désaccord à propos des décisions prises.

Voici alors quelques extraits :

… la décision hiérarchique qui vient de frapper la communauté de Beauval soulève en nous une juste colère… mais en tant que prêtre, je tiens à vous mettre en garde : « ne muons pas notre colère en révolte car elle nierait la Parole du Christ que nous exigeons d’entendre dans notre propre langue ».

image002Avec le recul du temps, on peut penser que la FERMETE mais aussi la DIGNITE et le constant souci pastoral de nos mandataires ont impressionné les Autorités diocésaines qui n’ont pas été insensibles au fait que nous rejetions tout appui politique, basant notre action sur le seul souci de permettre à chacun de vivre l’Evangile dans le respect de sa langue et de sa culture.

Le souhait des Autorités religieuses était que les chrétiens de Beauval se dispersent dans les assemblées des paroisses voisines. Tout de suite nous comprenons que cette solution est un piège. Elle supposait que nous renoncions à ce qui fait l’âme d’une communauté chrétienne, à savoir son assemblée dominicale.

Les chrétiens francophones n’ont donc nullement laissé tomber les bras et, le dimanche après cette dernière messe, une messe en plein air sur un terrain vague a été célébrée avec une assistance très recueillie.

Ces messes en plein air ont continué jusqu’au moment où l’YMCA nous a cédé une tente pouvant abriter 400 personnes.

image004Lorsque l’Archevêché de Malines-Bruxelles constata qu’à présent, nanti d’une tente, la communauté de Beauval était susceptible de tenir longtemps, ils envisagèrent d’instaurer une tournante de prêtres pour assurer les messes dominicales. Il s’agissait de trouver quatre prêtres différents. Cette idée a été directement rejetée par la Communauté arguant que cela allait rendre impossible de créer un vrai esprit de communauté.

Fin 1971.

C’est deux ans après — grâce à des dons généreux des paroissiens mais aussi de chrétiens à l’extérieur de la communauté — que la Communauté a pu construire en dur un important bâtiment tel que vous pouvez encore le voir aujourd’hui.

L’inauguration de ce bâtiment fut célébrée par une messe solennelle le 14 janvier 1973.

C. La vie en Communauté

Entretemps, l’abbé Plissart rencontre un ancien missionnaire d’Afrique, le Père Delpierre, Oblat de Marie. Le père André Delpierre a dû quitter le Congo pour raison de santé et se déclare prêt à prendre une responsabilité au sein de la Communauté.

L’approbation de cette demande ne tardait pas et le père André a donc été nommé aumônier de la Communauté, tâche qu’il a accomplie jusqu’à sa mort, en 1998, avec dévouement et discernement.

Dès son arrivée à Beauval, le père André et le CAP (Comité d’Action Paroissiale) reçoivent l’interdiction de baptiser, de confirmer et de marier. Il nous faudra près de cinq années de patience et de lutte pour atteindre l’objectif.

Dès que la demande se fera, le père André prendra la liberté de baptiser. Son raisonnement était simple : puisque le droit canonique reconnaît à tout prêtre le droit de baptiser validement, n’importe où, n’importe qui, il ne fallait pas se gêner de baptiser des enfants. Une réaction de Malines a suivi mais le père André n’a pas eu de difficulté pour en convaincre ses autorités.

La conquête de la confirmation fut plus difficile. Là, on a fait preuve de beaucoup d’imagination. Ne pouvant confirmer les enfants dans la communauté, tous les paroissiens, après la messe de confirmation, se sont rendus en voiture à une paroisse à Bruxelles où nous avons été accueillis à bras ouverts pour terminer la célébration avec la vraie confirmation.

Le combat pour le mariage sera encore plus difficile et de ce combat la Communauté gardera de graves blessures.

Un jeune couple dont tous les deux avaient grandi au sein de la Communauté, voulait à tout prix se marier dans la Communauté. Devant l’interdiction formelle de Malines, le père André ne désirant pas heurter ses supérieurs et poussé par le désir formel du jeune couple, trouve une alternative en demandant à un prêtre extérieur (un prêtre chinois) de célébrer ce mariage. Mais devant ce refus de désobéissance de la part du père André, le couple a refusé d’être présent.

La suite fut bien triste : la Communauté a perdu 6 de ses membres, le jeune couple et leurs parents.

Suite à ce drame, le Père André n’a pas manqué d’informer l’Autorité religieuse des dégâts humains et spirituels qu’elle avait causés.

Depuis cette époque, les autorités ont choisi de fermer les yeux.

 

D.Conclusion

En guise de conclusion, il nous a semblé important de souligner la spécificité de notre Communauté à savoir : l’ouverture vers les autres.

Il fallait choisir : ou se replier sur soi-même ou ouvrir toutes grandes les portes de la fraternité.

Il n’y eut pas besoin d’un long débat : Pacem in Terris dans la foulée du nom qu’elle s’était donné a décidé que sa traversée du désert s’accompagnerait de quête de la manne qu’elle offrirait là où le Seigneur appellerait.

Ainsi, dès sa création, la communauté se fit un devoir de participer à l’aide réclamée parfois de très loin. En parcourant ce long chemin, deux réflexions très précises apparaissent.

La première était notre souci de nous assurer où vont nos dons et de ce qu’on en fait. Pour cette raison nous avons préféré nous intéresser à de petites réalisations menées par des amis que nous avons rencontrés pour nous expliquer leurs projets.

La seconde était que, pour nous, il était important que toutes les actions entreprises devraient être imprégnées par un esprit de fête. Si le don rend joyeux pourquoi ne pas l’exprimer ?

Nous achevons notre parcours par le texte final de Claude dans la brochure précitée.

Ce texte est toujours d’actualité aujourd’hui !

Notre traversée du désert, la première tente qui nous fut prêtée, cette farouche volonté qui nous a conduits, expliquent peut-être un sentiment d’humble satisfaction.

En relisant les pages de l’aventure Pacem in Terris dans son regard vers l’autre, je me dis que nous avons une fameuse dose de chance et que nous sommes les enfants chéris du Seigneur. Car, enfin, il y eut ce bilan que nous venons de découvrir, c’est vrai ; mais nous en avons été récompensés au centuple par tous les visages, tous ces témoignages, tous ces apôtres rencontrés au fil des ans grâce auxquels nous avons évité le piège de l’engourdissement.

Que justice soit ici rendue ; ils nous ont désigné le Tout Autre, Jésus lui-même.

C.E.

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