De l’autre côté de moi
De l’autre côté de moi, j’ai rendez-vous avec un autre.
De l’autre côté de moi, celui que je ne connais pas.
Il est toi, il est moi, il est nôtre, il va venir et je l’attends.
Il a les yeux d’une rivière, il ne compte jamais le temps quand il met tout devant derrière.
Les étoiles ont un jardinier qui me dira où il demeure.
Je l’attendrai sous le figuier et nul ne sait le jour ni l’heure.
Il va venir comme la faim.
Il n’est pas né dans une église.
Il sert la paix comme du vin et chacun en boit à sa guise. Il va venir quand vient la nuit, enfant de paille, enfant de sable.
Il ne fait jamais aucun bruit : il entre toujours par l’étable. Il est toi, il est moi, il est nôtre...
On dit que Dieu n’est qu’un enfant.
Viens réchauffer tes mains, mon frère.
On dit que nous avons un dieu, que ce n’est pas un militaire, ni l’empereur, ni son neveu, que ce n’est pas de ces notables, ni de ces bourgeois triomphants.
On dit qu’il est né à l’étable.
On dit que Dieu n’est qu’un enfant...
Viens réchauffer tes mains, mon frère.
On dit qu’il nous est né un Dieu, qu’il est né en terre étrangère, et moi j’ai oublié le lieu.
Toi qui habites le silence, tes poings serrant un bout de pain.
Je voudrais voir si sa naissance tu ne la tiens pas dans tes mains...
Jean Debruynne et Daniel Deschrijvere